Activité sera animé par le tambourineur International de Montréal Ti-Jeanty,
le mangeur de feux
le mangeur de feux
Me Edzer Aristilde
L’invité du mois de mars le juge d'instruction Edzer Aristilde, du tribunal Civile de la commune de la Croix-des-Bouquets.
Konesans se chemen limyè.
Dans le cadre d’une série de conférences débats, Fok sa chanje nan kwadèboukè reçoit chaque premier dimanche et le dernier du mois un conférencier
Plusieurs sujets seront débattus
Le droit en général
La fonction publique
Le journalisme
La santé
L’environnement
Février 2003
Problématique du rapport entre éducation
et développement économique en Haïti
Avant de considérer la question de l'éducation dans le cas haïtien en
particulier, il est utile de mettre en lumière ici le rapport entre éducation et développement économique dans le contexte néo-libéral, ce rapport étant plus que jamais d'actualité. C'est que la compétition ouverte impose que les produits fabriqués par un pays soient de plus en plus de haute qualité. Il en est de même pour les services. L'application d'un tel principe procure à un pays un avantage réel sur le marché commercial international. Le concept «qualité totale » est donc à l'honneur. Nous vivons dans un contexte où le savoir-faire technologique constitue une condition indispensable au progrès économique. Autrement dit, la technologie, qui est l'application de la science et des théories scientifiques, fait partie prenante du système économique actuel. C'est en raison des retombées économiques du facteur technologique tant sur le plan du commerce international que sur celui de la consommation interne des biens et de la fourniture des services que les États élaborent des politiques scientifiques et mettent en oeuvre leurs programmes en science et technologie. Résumons une politique scientifique comme un complexe conceptuel qui met en relation les communautés scientifiques, les gouvernements et les milieux des affaires. C'est le système de Recherche-développement, divisé notamment en R-D universitaire et industriel. Le Québec par exemple a consacré l'année dernière 850 millions de dollars seulement à la R-D universitaire.
Cette économie du savoir n'est pas l'apanage des pays industrialisés. Certains pays africains et quelques-uns de l'Amérique latine ont mis en place des plans d'action en science et technologie en vue d'être plus compétitifs et innovateurs sur le marché international. Les pays moins nantis de l'Amérique du Nord comme Cuba, Mexique, Salvador, Nicaragua et même le Panama investissent un pourcentage de leur PNB à la R-D. De même d'autres pays de l'Amérique du Sud comme Argentine, Brésil, Chilie, Vénézuela.
Pourquoi maintenant une politique scientifique pour Haïti dont le diptyque enseignement et recherche en constitue la pièce maîtresse ?
Aujourd'hui particulièrement, Haïti fait face à des défis d'importance majeure. On a de bonnes raisons de s'inquiéter de l'avenir de ce pays qui est aux prises avec une instabilité politique quasiment chronique. Ceci affecte les institutions en général et le renouvellement du système éducatif en vue de son adaptation aux nouvelles réalités nationales et internationales.
Quoi qu'en pensent certains, Haïti n'est pas une autre planète et, pour survivre, elle doit faire face à la concurrence internationale dans le cadre du néo-libéralisme. La ZLÉA (Zone de Libre Échange pour l'Amérique) favorise certes l'accès au grand marché, mais l'accès ne constitue pas une fin en soi. Une question fondamentale est la suivante : Quels produits allons-nous vendre ? Notre production, aussi faible soit-elle, doit rencontrer les normes standard de fiabilité et d'excellence pour être compétitive et permettre ainsi des retombées économiques pour Haïti.
Or, notre économie de petite taille et par surcroît dépendante n'est pas préparée à évoluer dans le cadre de ce système néo-libéral. Hormis les contraintes imposées par l'ordre économique international avec le grand comptable FMI (Fonds Monétaire International) ou avec l'OMC (l'Organisation Mondiale du Commerce), nous avons de grandes faiblesses structurelles, notamment au niveau de notre système de production.
Le système de production d'un pays met en question la capacité de celui-ci à produire, à innover, à mettre en valeur les ressources matérielles et naturelles disponibles ou capitalisables ou potentiellement commercialisables et à faire face aux différents marchés. C'est donc le savoir-faire du pays qui est en cause. Ce savoir-faire repose principalement sur la qualité des ressources humaines. Et c'est là que l'éducation doit pleinement jouer son rôle, particulièrement l'éducation supérieure.
Vous comprenez que je ne peux pas ici creuser à fond la problématique de l'éducation en Haïti. Je me limiterai donc à tracer sommairement les grandes lignes du système éducatif haïtien et indiquerai quelques recommandations qui constituent les axes clé d'orientation d'un nouveau système d'éducation pour une Haïti adaptée aux nouvelles conjonctures économiques internationales.
Comment comprendre l'atrophie, la faiblesse du secteur de l'éducation en Haïti ? Certes, nous pouvons parler de l'héritage historique, car, à la période post-indépendance, dans le contexte difficile de la formation sociale haïtienne, nous avons raté la révolution scientifique et technique du XIXe siècle qui a conduit au système industriel. Cette révolution scientifique a institutionnalisé les disciplines industrielles, a redéfini le système d'éducation et lui a insufflé une vocation économiciste, vocation qui s'est accélérée au XXe siècle et ce jusqu'à nos jours. Mais, parallèlement au poids de l'histoire, nous n'avons pas pu faire le rattrapage. Le système éducatif actuel mérite d'être repensé, modernisé et adapté à la nouvelle conjoncture mondiale dans laquelle l'éducation joue un rôle clé dans le processus d'accumulation du capital.
Que notre système éducatif s'adapte aux nouvelles règles du jeu international. Cela suppose quoi ?
Il faut considérer le rôle crucial que jouent les acteurs du renouvellement de la société de connaissance, c'est-à-dire les enseignants et particulièrement ceux qui enseignent à l'Université.
Nous devons tenir compte de tous les niveaux du système éducatif, car si l'éducation supérieure joue un rôle déterminant pour l'économie, nous ne devons pas oublier que cette étape supérieure de l'éducation est un prolongement de l'enseignement primaire et secondaire et que les réformes à envisager ou les politiques à redéfinir doivent commencer à la base. Le manque de ressources humaines et financières affecte sérieusement le système éducatif haïtien qui crée de plus en plus des écoles et des universités borlettes (bidon). Ce système se caractérise par la faible qualité de l'enseignement, la prépondérance du secteur privé, l'absence de performances. À partir de 1995, on a enregistré un taux de scolarisation brut plutôt élevé, soit 90 pour cent au niveau de l'enseignement primaire, mais ceci indique seulement la capacité théorique du système mais ne traduit pas d'autres problèmes relevant de la faible qualité des places disponibles, de l'incompétence des enseignants, des taux de redoublement, etc. En dépit de ce ‘’progrès ‘’ dans l'enseignement primaire, Haïti reste le pays d'Amérique Latine ayant le pourcentage le plus élevé de personnes âgées de plus de 15 ans qui ne savent pas lire : l'analphabétisme touchait encore 58 pour cent des femmes et 52 pour cent des hommes en 1995, selon les données de la Banque Mondiale (de l’étude publiée en 1997).
Le système éducatif n'est pas adapté à la réalité sociale haïtienne, cela les documents officiels le reconnaissent, mais on ne définit pourtant pas les mesures institutionnelles nécessaires à une meilleure adaptation. Ceci exige, en guise de prérequis, que l'État haïtien définisse quel type de société à (re)construire et alors là, une fois cette précondition réalisée, l'éducation peut être inscrite dans un projet collectif où le social, l'économique et le politique joueront leur rôle.
Inadaptation aussi des élites que ce système éducatif produit. Elles sont inadaptées à l’environnement sociétal et aux valeurs universelles, propulsées par les idéologies dominantes. Les nouvelles élites doivent certes maîtriser les compétences et connaissances nouvelles, mais doivent également être moins aliénées et donc plus authentiques.
Une faiblesse qu'il faut pallier absolument et nous insistons encore là-dessus, c'est l'inadéquation de l'éducation au système économique. Une nouvelle politique de l'éducation doit être redéfinie et articulée à une politique économique à définir. Ceci est de la responsabilité de l'État, car, en dépit de l'apport du secteur privé au système éducatif, le rôle de ce secteur demeure toutefois limité.
Le secteur privé peut certes suppléer à la faiblesse des structures étatiques ou aux carences de ces dernières, mais il ne peut pas, objectivement, définir une politique éducative qui viserait à renouveler l'homme haïtien, notamment par le rôle de l’éducation au civisme et à la citoyenneté. Il ne revient pas non plus au secteur privé d’articuler la politique de l’éducation à la politique économique. Nous pouvons même souhaiter qu’un État responsable se charge d'évaluer le travail du secteur privé.
Pour conclure, nous pouvons avancer ce qui suit :
Aujourd’hui, le rôle de l'éducation en Haïti ne peut plus se limiter à une vocation purement civique, ni à promouvoir un type d’éducation axé sur un savoir trop général qui ne repose pas sur des méthodologies sûres de maîtrise de savoir-faire ou de connaissances.
La mission de la nouvelle éducation doit être intimement articulée à la politique économique et c'est cette cohabitation que nous devons institutionnaliser. Nous devons former une relève qui puisse impulser un nouveau dynamisme, créer de nouveaux savoir-faire dans presque tous les secteurs de la vie sociale haïtienne : industries culturelles, politique de santé, affaires gouvernementales et étrangères, etc. , et aussi dans les domaines où Haïti peut être potentiellement compétitif. Le système éducatif doit donc être collé à notre potentiel économique et répondre aux nouveaux besoins de la société.
Instituer de nouvelles écoles spéciales de formation pour prendre en charge la politique du pays et aussi pour élever le niveau d’expertise de la haute fonction publique. Les décisions doivent être prises sur des bases rationnelles, objectives. L'administration publique n'institutionnalise pas, à proprement parler, la recherche scientifique. En général, nos élites, plutôt les responsables ne sont pas préparés à faire face aux multiples aspects qu'exigent la gouvernance et la gestion de la chose publique. Dans un monde de défis de plus en plus nombreux et face à la complexité du social haïtien, gouverner aujourd’hui exige la maîtrise de connaissances nouvelles et de savoir-faire. L’argent à lui-seul ne suffit pas. S’il est une condition nécessaire, il n’est pas en tout cas une condition suffisante et ce, ni pour gouverner, ni pour atteindre véritablement le développement socio-économique. Le développement, c’est une affaire d’organisation, de structure et de savoir-faire.
Sans nécessairement viser la haute excellence, car Haïti n’a pas les moyens de faire ce que l’on appelle la Big Science, le système éducatif doit être au moins performant pour produire des modèles. En ce domaine, et dans bien d’autres d’ailleurs, notamment en formation médicale, le 19eme siècle était bien meilleur, comparé à aujourd’hui.
Nous sommes là en présence d'un phénomène assez particulier. Nous devons avoir des capitaux pour mettre en oeuvre une politique scientifique, porteuse elle-même de retombées économiques à moyen terme et instrument clé de développement, et parallèlement nous sommes pris avec la gestion des urgences et l'insuffisance quotidienne dans les secteurs clés de la vie. La question politique n'est pas réglée pour nous permettre d'attaquer les questions non seulement d'ordre conjoncturel à court terme mais aussi celles d'ordre structurel de développement économique et social. Quoi faire alors ? Nous pensons que la stabilité politique est un pré requis indispensable à la redéfinition et à la reformulation de politiques, que ce soit en matière d’éducation ou autres. En attendant le renforcement des structures officielles, je vous encourage à soutenir la Fondation Augustin Bruno et tout autre organisme du secteur privé oeuvrant pour un mieux-être du social haïtien. Il est à noter que le secteur privé a historiquement joué un rôle important dans notre société et ce dans presque toutes les sphères de la vie en dépit de ses limites.... Aujourd'hui encore, on voit que ce secteur est actif dans le transfert des nouvelles technologies de l'information et de la communication, comme il l’a été au début du 20eme siècle dans le transfert de la médecine de laboratoire en Haïti